Sans-papiers: le mouvement nest pas sans voix
Sans-papiers: le mouvement nest pas sans voix
Le 8 mars 2002, le Conseil fédéral adressait aux Chambres son Message concernant la Loi sur les étrangers (LEtr). Le gouvernement y dévoile ses intentions: «La révision totale de la LSEE (Loi sur le séjour et létablissement des étrangers), conçue comme une loi-cadre, permettra daméliorer, de régler plus largement et dadapter le statut des étrangers à la situation actuelle. Ainsi, la légitimation politique de la réglementation sur les étrangers sen trouve renforcée.»
Le Conseil fédéral admet que «le présent projet de loi reprend le système binaire dadmission». II explicite un des critères dadmission des travailleurs-euses, fixé à lart. 16 al. 1 du projet de LEtr: «Ladmission des étrangers en vue de lexercice dune activité lucrative doit servir les intérêts de léconomie suisse». Il donne une véritable leçon dutilitarisme migratoire: «La notion «intérêt économique du pays» est assez vague dun point de vue légal et nest pas exhaustive. Elle ne peut être toujours interprétée de façon identique. En effet, elle dépend en particulier de la situation effective du marché du travail. II incombe aux autorités du marché du travail et ce dans le cadre de leur pouvoir dappréciation dexaminer concrètement chaque cas au vue des conditions économiques et de la situation donnée sur le marché de lemploi (
) II est vrai aussi quil sagira de favoriser avant tout la main-duvre européenne en vertu des normes convenues dans laccord sur la libre circulation des personnes.»
La LEtr deviendra ainsi une véritable usine de sans-papiers: inévitablement, nombreux-euses seront les ressortissant-e-s des pays non-membres de lUnion européenne à venir vivre et travailler en Suisse, contraint-e-s à un statut de sans-papier.
Pour dénoncer cette hypocrisie, pour demander aux autorités vaudoises de suspendre lexécution de tous les renvois et de prendre une position politique claire en faveur de leur régularisation, des sans-papiers se sont installés dans la cathédrale de Lausanne le lundi 22 avril 2002, un jour avant que les nouvelles autorités y soient intrônisées solennellement. En sinstallant ainsi durant une demi-journée dans la cathédrale, les sans-papiers interpellent le nouveau Conseil dEtat, en particulier le Chef du département des institutions et des relations extérieures (DIRE), M. Pierre Chiffelle, socialiste, pour quelles répondent positivement aux demandes du mouvement. Pierre Chiffelle avait signé, avant son élection, au début de lannée, des cartes de légitimation du Collectif vaudois de soutien aux sans-papiers, cartes de membres signifiant symboliquement la reconnaissance que les personnes titulaires ont droit à des papiers!
La suspension de lexécution de tous les renvois et larrêt de la traque policière aux sans-papiers et des contrôles au faciès ne sont pas seulement une exigence urgente dans le canton de Vaud, mais également dans toute la Suisse. En effet, on assiste, dans plusieurs cantons, à une recrudescence de la répression policière, à des arrestations et des renvois totalement inadmissibles.
La nouvelle LEtr a un caractère inquisiteur, suspicieux et répressif. Les autorités fédérales tiennent à garder les mains libres en cette matière. Cela va si loin que le Message du Conseil fédéral annonce quil veut maintenir la réserve formée par la Suisse à lapplication de la Convention internationale sur lélimination de toutes les formes de discrimination raciale. Cette réserve vise ladmission des étrangers sur le marché du travail, «afin de conserver une certaine marge de manuvre à lavenir».
Tant quune législation dexception, discriminatoire, sera maintenue et toute régularisation collective refusée, le mouvement des sans-papiers continuera à donner de la voix!
Jean-Michel Dolivo